mardi 28 juin 2016

Face au nouveau malheur arabe : de l’intérêt de possession à l’intérêt de milieu




Pour le site Global Brief (Toronto)



Samir Kassir avait identifié, dans ses Considérations, plusieurs facteurs à ce qu’il appelait le « malheur arabe » face à la modernité (S. Kassir, Considérations sur le malheur arabe, Actes Sud, 2004). Plus prosaïquement, les analyses récentes (voir par exemple The Economist, 14 mai 2016, The War Within) avancent souvent quatre dynamiques de l’effondrement de l’ordre politique arabe dans les dernières années : 1- l’échec du modèle autocratique ; 2- le caractère non soutenable du système d’économie de rente ; 3- les tensions entre religion et politique, particulièrement dans le monde sunnite ; 4- les interventions déstabilisatrices des Etats-Unis, suivies sous Barack Obama par un désengagement tout aussi déstabilisant. En cette année de centenaire des accord Sykes – Picot, bien d’autres hypothèses encore peuvent être avancées : un déclin des politiques étrangères arabes depuis une trentaine d’années face aux trois puissances régionales non arabes (Turquie, Israël, Iran) ; la non résolution du conflit israélo-arabe et la perception arabe d’un refus ou renoncement extérieur à traiter le sujet ; des questions de minorités et de réfugiés suspendues au point d’en devenir autant de conflits gelés… La liste est longue.
Il est pourtant un facteur commun à l’ensemble de ces maux : ils ont été engendrés il y a longtemps (soit du fait des acteurs régionaux eux-mêmes, soit des acteurs extérieurs), par la recherche de l’intérêt de possession qui caractérisait l’époque. C’est-à-dire par la conviction que dans un jeu à somme nulle, tout ce qui était gagné par l’un (pétrole, territoire, influence…) était perdu pour l’autre. Il fallait donc posséder, et empêcher l’autre de posséder ou d’accéder à des leviers qui puissent lui permettre de posséder un jour. Dans cette logique, il était utile de diviser pour régner, de cloisonner pour prévenir, de monopoliser le pouvoir pour tenir la société, d’avoir recours à des puissances extérieures pour consolider ses acquis.
Les temps ne sont plus à l’intérêt de possession mais à l’intérêt de milieu, c'est-à-dire à la construction d’un environnement stable et prospère, avec des voisins en mesure de participer à l’élaboration d’un cadre collectif autorisant le pacte de sécurité, l’échange ou les économies d’échelle. Dans cette perspective, l’absence de dialogue politique national dans beaucoup de pays arabes, la stagnation économique et sociale, l’absence d’inscription dans des logiques d’intégration régionales et globales, constitue une triple impasse suicidaire. Dans cette perspective encore, les recettes antérieures ne garantissent plus la stabilité mais précipitent au contraire la marche à l’explosion.

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