dimanche 26 avril 2015

G. Dorronsoro, O. Grojean (dirs.), Identité et politique. De la différenciation culturelle au conflit




G. Dorronsoro, O. Grojean (dirs.), Identité et politique. De la différenciation culturelle au conflit, Presses de Sciences Po, Paris, 2015 

L’identité est une ressource, même un capital, elle est mobilisable et convocable comme telle, et les conséquences sur les dynamiques nationales comme internationales, surtout conflictuelles, en sont importantes. Tel est le message de cet ouvrage à l’écriture précise, où la préoccupation empirique fait jeu égal avec le souci d’interprétation conceptuelle, et qui nous fait découvrir, autour des trois cas turc, iranien et pakistanais, des situations riches en enseignements, et inédites pour beaucoup de lecteurs (on découvre ainsi le Gilân en Iran, les alévis et les sunnites en Anatolie centrale, l’importation du conflit baloutche à Quetta. Démontant les simplismes de la plupart des lectures identitaires et ethniques des conflits, réintroduisant la trajectoire étatique et la forme d’organisation administrative et institutionnelle dans l’analyse, ce travail décrypte les implications du fait identitaire sur l’évolution des hiérarchies sociales et politiques, et reconstitue l’intérêt pour certains groupes d’avoir recours à ce registre. Limiter les défections, acquérir un monopole de la représentation, imposer une solidarité de fait à ceux qui seront étiquetés identitairement, le tout avec une grande souplesse, font partie des explications du succès de l’entreprise identitaire, mais également de son rapport à la violence. l’ensemble des problématiques situées entre culture, identité, conflit et violence, demeure un terrain miné. Le travail présenté ici constitue pourtant une contribution éclairée et particulièrement pertinente à ce secteur clef de la science politique contemporaine.

P. Alary, E. Lafaye de Micheaux, Capitalismes asiatiques et puissance chinoise



P. Alary, E. Lafaye de Micheaux, Capitalismes asiatiques et puissance chinoise, Presses de Sciences Po, Paris, 2014

(retrouvez l'ensemble des notes de lecture de la Lettre de l'IRSEM n°2-2015)

Les ouvrages s’assimilant à l’économie politique internationale sont trop rares en France pour ne pas se réjouir de la publication de ces Capitalismes asiatiques confrontés aujourd’hui à la montée en puissance chinoise. P. Alary et E. Lafaye de Micheaux, avec leurs co-auteurs, distinguent dans la région cinq types de capitalisme différents : le capitalisme-cité (de type Singapour et Hong Kong), le capitalisme semi-agraire insulaire (Indonésie, Philippines), le capitalisme tiré par l’innovation (Japon, Corée, Taïwan), le capitalisme industriel tiré par le commerce (Malaisie, Thaïlande), et le capitalisme continental mixte (Chine). A l’heure où l’Asie devient à la fois le centre de gravité économique du monde et peut-être son foyer de conflits potentiels, les trajectoires des acteurs régionaux sont d’importance. Les recompositions en cours sont analysées ici dans leur grande diversité, depuis le rapport de la Chine aux questions climatiques jusqu’au développement  de la finance islamique en Malaisie, en passant par les firmes agro-industrielles indonésiennes. Dans tous les cas de figure c’est la relation entre ces capitalisme et l’ombre de plus en plus pesante de Pékin, qui déclenche des basculements aux répercussions internationales. L’ouvrage aborde d’ailleurs de façon très pédagogique (avec tableaux à l’appui, comme pages 79 et 85), les répercussions sur les forces et faiblesses des autres acteurs, Etats-Unis en tête.