dimanche 10 novembre 2013

L'annuaire "Afrique du Nord Moyen-Orient" de la Documentation Française, créé par Rémy Leveau il y a 10 ans

A l'occasion du dixième anniversaire de L'annuaire "Afrique du Nord Moyen-Orient" de la Documentation Française, créé par Rémy Leveau en 2003, nous reproduisons ci-dessous l'hommage rendu dans l'édition de 2005 à ce collègue, ami et maître, qui venait de nous quitter en février de la même année. Rémy Leveau était professeur à Sciences Po où il avait fondé le programme Monde Arabo-Musulman contemporain, et initiateur de nombreux projets, qui avaient abouti entre autres à la création du CEDEJ au Caire. Cet annuaire est désormais co-édité par F. Charillon et Alain Dieckhoff, sous les timbres de la Documentation Française, du CERI (Sciences Po CNRS) et de l'IRSEM.




 

 

 

 

Hommage à Rémy Leveau

(publié au printemps 2005)

Rémy Leveau nous a quittés brutalement au printemps 2005, et sa disparition laisse un vide douloureux. Un vide scientifique d’abord. Son riche parcours, son apport à la sociologie politique du monde arabe (dont le fameux Fellah marocain défenseur du trône), sa connaissance des hommes, des sociétés et des dynamiques qui lient les deux rives de la Méditerranée, n’ont nul besoin d’être rappelés ici. ses proches et ceux qu’il a formés, de Catherine de Wenden à Gilles Kepel et bien d’autres encore, lui ont rendu hommage, nous remémorant à juste titre ce que nous lui devions. Un vide, ensuite, que nous pourrions qualifier d’ « entrepreneurial ». Rémy Leveau savait bâtir, consolider, pérenniser les structures scientifiques nécessaires pour que la France ait son approche, son expertise de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Conscient que les talents ne peuvent prospérer sans institutions pour les accueillir, il a beaucoup construit, du CEDEJ au Caire jusqu’à l’école d’Analyse du Monde Arabe Contemporain, à l’IEP de Paris. Avec une habileté et un entêtement administratifs trop rares chez les savants comme chez les politiques, il a contribué à rapprocher ces deux mondes, qui dans l’hexagone se méfient l’un de l’autre. Surtout, il laisse un vide humain. Rémy Leveau, s’il plaidait avec âpreté pour ses idées et pour ses réalisations, n’aimait pas les querelles de clocher. Il regardait avec amusement, chez les chercheuses et les chercheurs, s’affronter les narcissismes de la petite différence, pour tenter ensuite de les réconcilier. Sans se prendre au sérieux, il défendait les siens : pour eux plutôt que pour lui-même, il savait se faire mandarinal. Autour d’un verre, à la table de l’un de ces restaurants parisiens qu’il affectionnait et auxquels il se rendait à vélo, Rémy Leveau était capable, dans la même phrase, d’anticiper un scénario politique improbable dans tel Etat du Proche-Orient, de se souvenir d’une source de financement oubliée qui tirerait d’affaire tel doctorant en difficulté, et de réaffirmer son soutien à tel autre, en qui peu croyaient encore. Homme de science, d’organisation et de fidélité, il a beaucoup transmis. Pour les étudiants, restent ses livres et ses articles. A ses amis, reste le souvenir : certaines salles de Sciences-Po, des rues près de la gare de Lyon, auront longtemps comme un parfum d’Orient. Et aujourd’hui l’esprit qui l’animait, à la fois ouvert sur les autres et ferme sur les principes, reste plus que jamais à défendre. Ceux qu’il a su instruire ne manqueront pas de le faire, avec la force qu’il leur a apprise.

Frédéric Charillon

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