jeudi 29 novembre 2012

« Kaveh Le Forgeron », Le Hezbollah Global. Les réseaux secrets de l’Iran




« Kaveh Le Forgeron », Le Hezbollah Global. Les réseaux secrets de l’Iran, Choiseul, Paris, 2012


L’ouvrage signé sous un pseudonyme – on parle d’un collectif d’opposants iraniens – revient d’abord sur l'organisation de l’appareil d'Etat iranien, avant d’analyser l’action de celui-ci à l’étranger, à travers le mouvement politique chi’ite mondial (POCHM) et la nébuleuse nationale-islamique iranienne (NINI), entre autres. Une approche très exhaustive s’attache à passer en revue les actions les plus déstabilisatrices et les réseaux d’amitiés / complicités de la république islamique sur l’ensemble de la planète, y compris dans des zones où une menace iranienne n’apparaissait pas évidente aux observateurs (de la Nouvelle Zélande à l’Uruguay, en passant par la Bolivie ou la Roumanie).

Le caractère systématique de l’ouvrage permet de passer en revue, pour différents pays, la liste des actions connues et répertoriées par la presse sur des points donnés. Exemple : la liste des opposants iraniens liquidés en Turquie, p.167-170.

Des dimensions mal connues du grand public sont analysées avec précision, ainsi la force des liens avec le Pakistan (p.107 et sqq.), le rôle des militaires pakistanais (p.123 et sqq.). D’autres dimensions pourtant mieux repérées sont tout de même éclairées avec pertinence également, par exemple sur le dossier nucléaire (p.86 et sqq.) ou sur l’Armée des Gardiens de la Révolution Islamique (p.70 et sqq.).

Malgré l’absence d’une hypothèse forte, sans doute due à l’effet-catalogue de ce travail, on voit bien la centralité des solidarités chi’ites à l’œuvre dans les réseaux présentés ici. Même si pour un lecteur français, le fait de traiter l’activité iranienne au Canada ou en Scandinavie, presque sur même pied que les passages consacrés au Liban, à la Syrie (p.261-262) ou à l'Irak (p.175-80), étonne.

Il ne faut pas se fier au titre de cet ouvrage : il n’est pas question – ou si peu – du Hezbollah ici, ni en tant que tel, ni en tant que symptôme d’une méthode iranienne, consistant par exemple à transformer un pays arabe donné en « multivocal state », par l’établissement d’un pouvoir parallèle fondé sur la mise en œuvre d’un mouvement armé d’identité chi’ite mais capitalisant sur l’opposition à Israël. Sur ces points, on se tournera plutôt, pour des sources françaises, vers les travaux de Sabrina MERVIN, Mona HARB, ou surtout, sur le dossier libanais, ceux de Bernard ROUGIER. Ou, pour des sources anglaises, vers Hala JABER ou Eitan AZANI.

Ce livre constitue néanmoins un document à consulter comme aide mémoire, pays par pays, sur la question de l’action extérieure iranienne. On pourra, à partir des exemples nombreux qui sont passés en revue dans ce document, réfléchir à quelques problématiques qui en émergent :
-         - La question de l’animation, par l’Iran et d’autres, d’un réseaux de « politiques étrangères protestataires », solidaires entre elles, refusant les initiatives occidentales et leur « diplomatie de club » (pour reprendre l’expression de Bertrand BADIE), politiques qui comptent des relais de téhéran à Caracas en passant par Pyongyang, Minsk, voire Pékin ou Moscou.
-         - La question de la nuisance en politique étrangère, qui consiste à contrer efficacement les initiatives dominantes au cas par cas, plutôt que de proposer une politique de puissance alternative avec une stratégie globale (ainsi l’Iran a-t-il davantage profité des erreurs américaines au Moyen-Orient, plutôt qu’il n’aurait bâti de stratégie a priori).
-         - Enfin, bien évidemment, la question de la mobilisation de ressources et de réseaux religieux à l’appui d’une action extérieure (pour des exemples de travaux récents sur des cas comparés en monde musulman, on regardera Amélie BLOM sur le Pakistan ou Delphine ALLES sur l’Indonésie).



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