mardi 6 mars 2012

Que faire de l’Union Pour la Méditerranée ?

Que faire de l’Union pour la Méditerranée ?

5 mars 2012
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Lancée en juillet 2008 par la France, l’UPM doit être repensée par le prochain président de la République, quel qu’il soit, et ce au-delà des polémiques internes : ce sont les événements qui en ont décidé ainsi.
·         L’UPM souffre aujourd’hui de trois maux, imposés par les bouleversements du contexte régional sud et est méditerranéen.
o   1- Sa caducité, comme victime de fait des Révolutions arabes. co-présidée par la France avec le président égyptien Moubarak, et ayant pour invité vedette de son inauguration le Syrien Bachar al-Assad, on comprendra aisément qu’elle apparaisse désormais quelque peu désuète.
o   2- Le caractère dramatique de l’actualité proche-orientale, notamment israélo-palestinienne, qui finit toujours par rattraper la temporalité lente des tentatives de dialogue euro-méditerranéens. A l’heure des drames de Gaza, du Liban, plus loin de l'Irak, entre frustrations arabes, désespoir palestinien et craintes israéliennes, les esprits ne sont pas à la dépollution de la Méditerranée. Tout comme l’assassinat de Rabin puis la seconde Intifada ont eu raison de Barcelone, l’opération Plomb Durci a porté un coup à l’UPM.
o   3- La fatigue des jeux institutionnels au sud de la Méditerranée. Après les Révolutions tunisienne, égyptienne, libyenne, il est difficile de répondre par de nouvelles structures bureaucratiques qui prendront immanquablement l’allure de coquilles vides imposées par le nord. L’heure n’est plus aux débats sur le partage des vice-présidences, mais aux offres concrètes et chiffrées.

·         Trois méthodes existent pour reprendre l’initiative nécessaire dans une région indispensable aux intérêts français et européens. Toutes ont leurs limites.
o   1- Reprendre, encore et toujours, la méthode européenne des Pères Fondateurs, qui consiste à dépasser les déchirements humains par des coopérations techniques. Mais ce que la CECA pouvait faire pour le franco-allemand ne sera pas refait pour l’israélo-arabe par les programmes euro-méditerranéens. Le contexte historique est par trop différent, les conditions politiques, sociales, économiques, ne sont pas réunies.
o   2- Traiter frontalement des questions qui fâchent. L’actualité sud-méditerranéenne est difficile, l’UPM devrait donc l’aborder, en se faisant forum de dialogue entre les acteurs régionaux. Un ordre du jour sans fard aurait certes le mérite d’être en phase avec l’esprit du moment, qui est plus tragique que technocratique. Mais ce serait, on le sait, voué à l’échec. Et l'Union Européenne a-t-elle aujourd’hui l’autorité politique permettant d’imposer un dialogue entre acteurs méditerranéens sur le statut de Jérusalem, la situation des Palestiniens, le désarmement du Hezbollah, le nucléaire iranien… ?
o   3- Proposer un « euromed par le bas », qui établisse un esprit nouveau en traitant des questions difficiles au niveau des acteurs sociétaux. Think tanks, forums sociaux, personnalités de la société civile, jeunes, pourraient alors, sans engager les gouvernements, défricher et imposer une nouvelle toile de fond, comme s’efforça de le faire l’initiative de Genève fin 2003, à la manière d’une sorte de diplomatie alternative. L’œuvre serait nécessairement incomplète, mais au moins serait-elle à la portée de l'Europe, et une partie du chemin serait ainsi parcouru.
·         Restent, pour les Etats, quelques impératifs et des questions.
o   Les impératifs : a) Consulter. Les peuples du sud méditerranéen nous ont donné une leçon de science politique en se réappropriant leur destin, dans l’incrédulité de la plupart des observateurs européens. Demandons leur comment ils voient l’avenir de la région, et avec quelles priorités. b) Programmer en conséquence des actions concrètes : que sommes-nous prêts à faire, à mettre sur la table et sur quelle durée, pour encourager quels processus, et à quelles conditions ? Il ne s’agit ni de promesses de dons, ni de grand-messe multilatérale, mais de programmation politique et budgétaire à court et moyen terme. Des attentes existent (libre circulation, études…), des priorités émergent, nous le savons. c) Donner la priorité au social, seule possibilité pour à la fois répondre aux demandes du moment, prendre en compte les besoins des populations sans s’ériger en donneurs de leçons, éviter l’écueil des sujets politiques difficiles, ainsi que le piège d’une réponse trop technocratique à des agendas plus tragiques.
o   Les questions : a) Quelle part la composante euro-arabe doit-elle prendre dans l’Euro-méditerranéen ? Les Révolutions ont replacé plusieurs pays arabes au centre du jeu, là où les années précédentes avaient plutôt vu s’imposer la puissance structurante des acteurs régionaux non arabes (Israël, Turquie, Iran). Un dosage délicat doit être trouvé entre ces deux dimensions (arabe et non arabe) tout autant vitales. b) Quel équilibre, également, entre le Maghreb et le Machrek ? La question vaut pour la France plus que pour d’autres. Le Maghreb constitue pour elle une priorité politique, sociale, économique, qui s’impose moins à d’autres partenaires européens. Elle doit l’assumer. c) Quels partenaires pour l'Europe dans cette nouvelle donne méditerranéenne ? Les Etats-Unis voient plutôt un partage géographique des tâches avec l'Union (l’Amérique au Machrek, l'Europe au Maghreb), qu’un partenariat sur les questions stratégiques régionales d’ensemble. La Chine serait un partenaire difficile, et les grammaires respectives des intérêts et des approches, sur cette zone, restent pour longtemps éloignées. Restent les pays du Golfe, dont la prospérité économique a besoin, elle aussi, de se réconcilier avec l’actualité éminemment politique et sociale de la zone. On y compte par ailleurs un certain nombre de diplomaties habiles. Une carte est donc à jouer.
Au final, la dimension méditerranéenne doit rester prioritaire pour une Europe dont c’est le voisinage stratégique, et pour une France qui doit prendre acte d’une nécessaire réinvention de sa relation au sud (voir notre article du Monde d’avril 2011). L’UPM était la réponse à un constat plutôt consensuel sur les limites de Barcelone. Les Révolution arabes en imposent désormais une nouvelle mouture.

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